Préface des Éditions de Londres
« Electre » est une tragédie de Sophocle écrite vers 414 avant Jésus Christ. Elle est contemporaine d’Electre, d’Euripide, et bien postérieure à Les Choéphores d’Eschyle.
Le cycle des Atrides
Le cycle des Atrides est un des cycles les plus connus de la mythologie et de la tragédie grecques. La pièce narre la conclusion du passage le plus célèbre des Atrides, à savoir le meurtre d’Agamemnon par sa femme Clytemnestre et son amant Egisthe, l’exil d’Oreste et le malheur de sa sœur Electre, la vengeance d’Oreste et d’Electre quand Oreste revient d’exil.
Bref résumé
Au début de la pièce, on voit Oreste et le pédagogue, son « tuteur » pendant toute la période de son exil, qui arrivent à Mycène.
On découvre ensuite Electre en lamentations, qui raconte son malheur au chœur. Entre ensuite sa sœur Chrysothémis, qu’elle va essayer de convaincre de rejoindre sa cause, afin de résister à sa mère et son ignoble amant, qu’advienne que pourra. Chrysothémis refuse et l’encourage à se soumettre aux plus forts. Elle la prévient aussi que sa mère et son amant ont prévu de l’envoyer au fond d’un cachot si elle continue à se plaindre. Electre s’en moque. Puis elle demande à sa sœur pourquoi cette dernière porte des offrandes. Chrysothemis lui répond que c’est sa mère qui l’a instruit de porter des libations au tombeau de son père ; Clytemnestre aurait eu un rêve où son mari décède, Agamemnon, était de retour. Electre l’intime de ne pas porter ces libations au nom d’une mère indigne, mais Chrysothémis ne l’écoute pas. Ensuite, Electre rencontre Clytemnestre, avec qui elle se dispute une fois de plus en dépit des menaces et du traitement dont elle est l’objet. Electre lui fait la leçon, et Clytemnestre lui répond qu’elle paiera son effronterie et son audace dès qu’Egisthe est de retour.
La mère et la fille sont interrompues par un vieil homme (il s’agit du pédagogue) qui vient leur apporter une très mauvaise nouvelle : Oreste est mort sur une terre lointaine au terme d’une course de chars qui a mal tourné. Si Clytemnestre feint d’être malheureuse, elle se réjouit intérieurement de la mort de son fils. Electre est désespérée. Oreste mort, il n’y a plus d’espoir possible.
Une fois seule, Electre se lamente et se confie au chœur. C’est alors que Chrysothémis repasse par là, et lui apprend qu’elle a vu des offrandes sur le tombeau de leur père, et qu’il ne peut s’agir que d’Oreste. Mais Electre lui apprend qu’Oreste est mort. Elle essaie de nouveau de convaincre Chrysothémis de la soutenir, mais celle-ci une nouvelle fois refuse, et lui conseille de se soumettre, ce qu’Electre refuse.
Entrent alors Oreste et le pédagogue qui s’approchent d’Electre avec une urne censée contenir les cendres du défunt Oreste. Electre est désespérée. Oreste laisse sa sœur se lamenter quelque temps avant de lui révéler sa véritable identité. Electre est transportée de joie, et lui raconte ce qu’on lui a fait subir. Elle accompagne Oreste jusqu’à la maison de Clytemnestre, et se tient à l’extérieur pendant qu’Oreste assassine sa mère. Puis vient le tour d’Egisthe, qui de retour chez lui, subit le même sort. La vengeance est scellée. Et la malédiction des atrides est accomplie.
Comparaison avec Les Choéphores
Le déroulé des deux drames est différent.
Dans les Choéphores, c’est Clytemnestre qui demande à Electre de porter les libations, tandis que dans Electre, c’est à Chrysothémis que c’est demandé. Dans Les Choéphores, Electre reconnait Oreste par une boucle de cheveux. Puis Oreste apparait, elle est transportée de joie. Ils préparent un plan ensemble. Oreste se fait passer pour quelqu’un d’autre, Egisthe est attiré dans un piège, où Oreste le tue, après quoi il tue sa mère.
La différence, c’est le rôle des Dieux. Avec Eschyle, c’est Apollon qui instruit Oreste d’accomplir sa vengeance. Avec Sophocle, les Dieux offrent une toile de fond. Le drame est centré autour de l’humain, sa psychologie, ses hésitations, les raisons de la vengeance. Dans « Electre », Oreste apparait comme un héros vengeur ; on croit d’abord qu’il est mort, puis on se rend compte qu’il ne l’est pas. Le spectateur ressent le désespoir d’Electre, qui n’a le choix qu’entre le meurtre et la soumission à ceux qui sont plus forts qu’elle.
L’autre différence, c’est évidemment le rôle d’Electre. Dans Les Choéphores, si Electre est essentielle, la pièce tourne officiellement autour d’Oreste. Dans « Electre », c’est complètement différent : Electre est le personnage principal, Oreste est l’instrument de sa vengeance.
Electre, symbole de la résistance
Comme Antigone, Electre est l’un des grands personnages féminins de l’antiquité. Mais là où Antigone dit non à l’Etat, au pouvoir absolu qui abuse du pouvoir, Electre prépare l’assassinat de sa mère et la vengeance de son père.
Pourtant, la notion de résistance et de soumission sont omniprésentes dans la pièce de Sophocle.
Voyons un peu ; Chrysothémis lui dit : « Je ne t’enseigne point cela, mais à te soumettre aux plus forts. ».
Quand elle confronte sa mère, Clytemnestre se justifie : « Ton père, et tu n’as point d’autre prétexte de querelle, a été tué par moi, par moi-même, je le sais bien, et il n’y a aucune raison que je le nie. Car, non moi seule, mais la justice aussi l’a frappé ; et il convenait que tu me vinsses en aide, puisque ton père, sur qui tu ne cesses de gémir, seul des Hellènes, a osé sacrifier ta sœur aux dieux, bien qu’il n’eut point autant souffert pour l’engendrer que moi pour l’enfanter… »
Electre lui répond : « Mais je te dirai que tu l’as tué sans aucun droit. ». Puis de lui reprocher son mode de vie dissolu, et les traitements qu’elle lui fait injustement subir.
Quand Electre propose à Chrysothémis une deuxième fois de la soutenir, la sœur répond : « Pour toi, commence au moins à être sage, et apprends, étant sans forces, à céder aux plus forts que toi. »
« Céder aux plus forts que soi » est exactement ce qu’Electre ne veut pas faire. Enfin, quand Egisthe revient chez lui, ignorant la mort de Clytemnestre, elle l’accueille par cette réponse ironique à la question qu’il lui pose : « J’ai fait ce qui pouvait être fait par moi. J’ai appris enfin à être sage et à me soumettre aux plus forts. »
L’Electre de Sophocle, c’est l’histoire de celle qui ne voulut pas être sage et ne voulut pas se soumettre aux plus forts.
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